Une petite chambre, un petit lit cadre absurde ou nos deux univers se deploient ce soir, tendus sur un drap de tenebre.
Nos corps sont loin, separes par le froid - tu reves d'Afrique Noire- je reve de tous les corps cristallises dans le tien, je ferme les yeux; comme j'aimerais etre avec celles que j'aime.
Tu veux voir le present, tu es sure de toi, mais je sais aussi ce qui t'attire en moi, le vieux parfum de tenebres ou les coquillages epars de mes reves morts, grandes plages balayees par le vide.
Assailli, je devrais abdiquer un electrochoc sec de cette liberte, transmettre la tristesse et detacher cet instant du cadre de ta vie - tu pourras t'en vanter ou t'en emerveiller, apres tout seul le hasard a decide, derriere toi, sournois.
Au loin, derriere la neige, j'entrapercois ta vraie vie, fragile et lumineuse, qui n'est pas pour moi ce soir, elle luit contre la lampe orangee, etrangement sincere et douce, par respect pour elle j'eteins la bougie et nous dormirons tranquillement, egares mais libres, si loin de tout au milieu de nos reves, que meme la lune viendra eclairer sans doute, a la racine de ta gorge.
La chair colle au visage comme les souvenirs à l’ame. La chair se décolle mais le temps esquisse ton vrai visage.
Je suis là, loin, presque nulle part, sous la pluie, presque rien ; pourtant devenu quelqu’un, anonyme, loin de toi, dans l’indifference, tournesol de sourires fragiles etoilés vers toi, que d’autres voient et veulent saisir, mais qui sont pour toi, par delà la réalite vide.
Pareil a une bete blessee, l’avion s’envole en tanguant. Sa course va contre le vent, contre le temps, il n’est pas presse, il ne va nulle part, mais il cherche la faille, il sent la portance, il veut se laisser emporter dans l’air pur. Courant comme un fou, il hurle des remous, lisse ses ailes, le bruit des reacteurs enfle en un crescendo insoutenable, tant et tant que l’air cede enfin : le ciel l’accepte, et, ivre de joie, il retourne a son element !
L’avion est une volonte. Au sol, inerte, il voit le ciel et veut le penetrer ; au ciel, gracieux, il voit le minuscule millimetre de beton ou il se posera, et il le poursuit au loin, malgre la distance, insensible au temps et a l’espace, comme un jeu.
Hermes regarde la machine suivant sa course folle avant l’envol, et son coeur se serre. Il se sent pareil a lui, incapable de rester sur terre, trepignant d’impatience vers son vrai etat, le ciel, non par caprice, mais par nature, il se sait voyageur eternel. Il sait qu’il recherche le moment ou l’air l’emporte, la violente secousse qui le fera s’ elever , inutile mais vitale, et meprise la vie parmi les mortels ; il soupire en pensant a ses troupes, sur la terre, l’armee des voyageurs, des voleurs et des hommes d’affaire dont il a la charge.
Uses par l’air, la boue, les negociations, ses traits sont beaux, epures, souples, vifs. Une resistance ultime les lie, rien d’inutile. Mais pris dans le tourbillon, il voit l’activite paisible autour de lui, il voit la vie des hommes, a travers la poussiere de la route il apercoit des drames, des bonheurs ou des bontes, et les benit, au passage, d’un sourire triste.
Par cette belle journee tiedie au soleil, il apprecie la beaute des arbres, les lignes harmonieuses du paysage, offre son visage a la brise du soir qui va tomber. Cet instant qu’il partage avec les autres, il sait qu’il ne durera pas, il veut le rendre exceptionnel, il est detendu, ses chaines fines relachees, il offre des nouvelles des pays lointains a ses amis, il boit. Souvent, les autres le prennent pour un des leurs, cadeau delicat, instant voyageur, don d’Hermes.
Plus tard, dans l’ombre de la nuit, les coeurs s’allument en petites lanternes rougeoyantes, il les voit trop pour oser s’en approcher, dans sa course il les evite et les respecte, autant de petites balises posees ca et la entre lesquelles il titube, bienveillant. Le papier de riz opaque qui les forme se gonfle parfois a son approche, ouvert au vent qui l’entoure ; il rit au bruit des pliures qui grelottent, ses amis essaient de deviner pourquoi.
Dans la nuit vide, un tourbillon de particules dorees jaillit de sa cheville ailee, inexorablement, les atomes de memoire eparpilles crepitent et montent a la tete, doucement, vifs mais apaises, une aspiration ancestrale aux legendes anciennes, aux pierres posees sur les routes ; son coeur adhere au monde mais ses ailes se deploient, le meme mouvement, celui de la beaute qui meurt et celui du soleil au levant, tres exactement l’instant qui disparait en naissant, la paix nait de la conscience de toutes les joies reelles qu’il abandonnera, bientot, sans regret, car elles ne lui appartiennent pas.
Ailleurs, sur la terre, la vie continue. Notre serpent a fait de l’anorexie, un jour on est rentres et il est tombe raide - il s’appelait Nixon. Blinded by the light, blinded by the light.
Comme les pierres sur lesquelles on bat la culture flottent dans les nuages; sur elles mes joues roulent leurs larmes, et la lame bleue du ciel perce mon coeur.
Homme comme poisson qui frétille, nuages écume de civilisation battue mousse de battoir polie infiniment pierre lisse changée en miroir, et les bulles de savon s'envolent en l'air et luisent au soleil ou cuisent.
Et quand il n'y a déjà plus Rien que l'ombre Les bougies la brûlent
Et si tout a disparu Et même dans l'ombre L'âme brille encore
Qui aurait le courage de l'éteindre? Brûle - en silence
II
La lumière Lèche le visage, à moitié Fait fuir les ombres Meurt de délectation Partout, partout, partout.
Mais sur chaque table Une bougie! La voûte de l'antique salle Rabat la pensée au sol, de force; La bougie tremble dans sa cire enfumée, fondue et inutile... La lampe vacille - La démarche d'une femme très belle, Blonde, incompréhensible, lointaine Vacille sous cette lumière contrainte
III
Dans une âme maltraitée, Tout et son contraire accumulés Quelques mots aimantent En les hantant les rêves
Et toujours, dans l'ombre Sourires luisants carnassiers, Sourire tristement lucide
Comme en rêve le fil Se déroule, fils de la fatigue Et du désespoir! (Quand le sens sous les coups a plié Et laisse dans la brèche Les mots désolés s'échapper)
Mais les autres bougies des autres tables éclairent des visages toujours cachés, La musique continue.
Pour rien, sans repères, nécessaire? Les aimants, s'aiment. L'ombre enlace la lumière Le bois lourd boit la vie.
Peut-être... pourtant, que... Egaux, sans barrières, la joie de vivre...
Utopie que je vois parfois réalisée.
Servus! Ça faisait longtemps que je n'avais pas le temps de publier, mais en avril, restons sur le fil, parce qu'en mai, on ne sait jamais. Ce poème, c'est parce qu'on ne sait pas si la lumière vient de l'ombre, ou si c'est l'inverse! Alors la lumière à l'intérieur, l'ombre à l'extérieur, ou l'inverse... Quelque chose comme ça.
Le jour me pèse, et soudain, l'ombre apparaît, des bouches d'égout se mettent à fumer, et je soulève délicatement le couvercle de jour qui flotte encore. Je pénètre dans la nuit, et l'odeur du sol d'hiver s'envole dans l'espace; c'est un domaine léger, où la lune...où les étoiles, pas encore! Les arbres amoureux enlacent la bille lointaine, et la terre plante ses banderilles de plaisir acéré dans la nuit qui s'annonce, et la terre fume et la terre exhale le froid, puis les branches en lutte frémissent et se ramifient.
Le ciel à son tour frémit: ELECTROCHOC.
Alors il faut partir, dans cet infini friable se glisser, perdre ses contours ou devenir soi-même étendue. Suivre de fines volutes qui tourbillonent au ciel, pour ne pas perdre pied les vapeurs d'alcool, les pommes de terre, le suc de la terre, et puis encore aller tout droit, vers la suite.
Sans tambour ni trompette, dans les mots qui vacillent et ramassent les clichés des feuilles mortes envolées au ciel de la nuit mais retombées sur le sol froid, mort, quelques phrases se sont faufilées, amples.
En silence, un monde s’écroule; devant moi, l’espace bée. Je ne vois pas plus loin, et je jette des pierres.
Des rides passent dans le ciel nuageux, D’incessantes et légères arabesques, Dont l’ombre me saisit tout à coup;
Au loin des enfants batifolent mais autour de moi le silence règne pas de fontaine, pas de gazouillis
Il fait froid, la vie passe, au printemps.
Moi aussi, j’ai vieilli. Assis sous les nuages qui passent, dans la douceur de cette odeur de printemps légèrement ensoleillé, je contemple un monde qui finalement me reste indifférent, hormis peut-être sa beauté, et je me sens vieux, usé d’avoir espéré, pas vu les opportunités, pas été capable de saisir ma chance.
Je m’empêtre dans mes souvenirs, et regarde en arrière sans avoir envie de bouger davantage, et je souris: cet état qui m’occupe en ce moment, il est bien sûr temporaire, lié à ma situation. Bien sûr, il va se dissiper comme les nuages dans le ciel ou cet avant-goût farfelu de printemps.
Mais tout de même, je pense aussi un peu à l’avenir, et je crois qu’au fur et à mesure de mon émoussement physique, ces pensées lourdes vont venir se multiplier et prendre peu à peu toute la place; comment savoir si c’est vrai? A qui demander?
Aussi, dans ce désoeuvrement, il y a une composante étrange liée au détachement, et difficile à expliquer: plus j’ai du mal à faire mon trou, plus l’espoir disparaît, plus une sorte de sérénité s’installe, qui n’empêche aucun drame, mais les rend plus légers, presque amusants, et donne une révoltante capacité d’acceptation; il paraît qu’il faut se battre pour gagner son indépendance, réaliser ses objectifs, et j’ai juste envie de laisser faire, de ne pas penser tout le temps.
Or justement, c’est tout le contraire qui arrive! Au lieu de rester tranquille, et de faire ce que j’ai envie de faire, je m’active comme un dératé pour des buts plus ou moins fumistes, j’use ma volonté jusqu’à la corde, je méprise, je juge, j’ordonne et je suis le mode de vie que je déteste le plus, bien matérialiste.
[PS: La photo est bizarre, c'est même la plus bizarre que j'aie jamais prise, l'effet a été obtenu sur un Holga en prenant la photo à l'endroit et à l'envers sur la même image. Mais ce qui est bizarre c'est que cette symétrie est presque parfaite et n'a pas eu besoin de retouche...]
Loin, dans la mer de Chine, Les marins laborieux jettent leur filets, Brassent dans d’énormes remous les poissons Qu’ils roulent ensuite dans une eau saûmatre
Qu’ils engorgent de douleur; Puis en extraient l’âme;
L’âme; Par des soubresauts furieux s’échappe Crève à l’air comme une bulle gluante.
Et charriés dans d’obscures boutiques Des marchands blafards étalent les corps désincarnés Desséchés Aux arêtes saillantes, Aux yeux globuleux, morts Enfin tranquille; puants. Et le vendent aux passants indifférents, Dans des ruelles sombres et puantes.
Les poissons mangés les mangeurs ont l’estomac plein Mais toujours l’âme sèche et desséchée Comme les poissons des étals.
Dans la douleur, mon corps se souvient Oui, c’est comme l’amour Longtemps après encore je sens ton corps Un drame mineur, mais sans fin Ce soir, j’ai envie de fumer De laisser partir en fumée la douleur Mon corps se souvient Encore, il y a longtemps, encore Ton parfum, la cigarette Tout se mélange En volutes.
La cigarette qui enfume les rêves J’aimerais la voir se consumer, Puis, Vers la fin, lentement la retourner La braise vers moi, vers ma peau Trouer mon enveloppe Percer les rêves avec la braise rouge.
D’un geste désinvolte embraser un carré de peau Profondément, jusqu’au mal Peut-être pour faire resurgir ton souvenir Toi qui ne me manque même plus
Cigarette, volute, fumée Caché à la vue des autres, malheureux sans raison Seul, libre. Qu’importe!
Le malheur donne la désinvolture Détache du monde Et les cigarettes traînent dans la nuit leur braise rouge Tracent de longues routes sanglantes; La suie si pesante embrasée tout à coup.
Je veux croire que moi aussi, comme les mégots Dans la nuit, un jour, Je brûlerai comme le goudron, comme la route Image de la liberté, la nuit,
Je t’offrirais bien ce poème En guise d’apaisement Tout a brûlé Mon corps la fatigue le temps Mon désir ton souvenir