11 janvier 2008
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20:40
La fatigue ralentit les sensations comme la neige tombe plus lentement que la pluie.
De retour d’un long tunnel d’absence de sommeil, de conscience chauffée à blanc, de sensations profondément ressenties, j’étais dans une pièce, et fatigué, je comprenais mal ce qui se passait autour de moi. Mon propre poids pesait plus que les paroles légères et acérées des participants, j’avais l’esprit lourd, fluide comme une pâte remuée difficilement, mais onctueuse, parfumée de souvenirs pas encore éclaircis.
Mes yeux pochés me protégeaient encore du monde, je pouvais rêver en paix, un instant encore, avant de devoir à nouveau me confronter à la réalité. Devant mes yeux passait la neige qui tombe lentement sans bruit, et je voyais vaguement que les flocons, blancs, indéfinis, remplaçaient peu à peu la réalité pour mon esprit paresseux.
Les flacons passaient devant le monde, mais peu à peu, un basculement, invisible changeait le monde en flocons et les flocons en monde, sans raison, et malgré mon opposition muette.
Un cauchemar terrible; le monde se mettait à tomber en flocon sur un fond vide, des images ininterrompues sur lesquelles l’esprit n’accroche pas, et qu’on voit gaiement sans y réfléchir. Le monde neigeait sur mes vêtements, sur mon visage, dans mes mains, le monde partout, se collait à moi, hérissait froidement ma peau trop vivante.
Je ne cherchais pas à me défendre. Cette intrusion, je l’acceptais pour bienfaisante. Seulement, elle m’empêchait d’exister clairement, elle me plongeait dans un paradoxe étonnant. Le contact direct du monde m’ouvrait les horizons, me rendait pareil aux images qu’il me montrait, mais m’éloignait de moi. J’étais tout, je n’étais pas moi, peut-être, me demandais-je, est-ce sans importance d’être soi, si on peut être autre chose?
L’espace de ma conscience, au lieu d’être rempli de mes pensées, l’était d’autre chose, des images, des sensations, des théories étranges et baroques, qui finalement n’étaient pas plus désagréables que moi-même. En l’absence de moi pour les réguler, les flocons de monde se promenaient tranquillement; tous mes sens étaient tranquilles.