7 janvier 2009
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13:56
C'est amusant, j'ai retrouvé ce texte par hasard, je ne me rappelais pas l'avoir écrit! Il n'a donc rien à voir avec la photo, qui est plus récente.
Dans la lueur ténue de la pièce, elle courbe la tête. Son regard, toujours aussi intense, elle ne peut le faire baisser, elle ne peut en calmer l’intensité, mais à quoi bon lutter avec des cils humains contre la douleur qui lui monte par la moelle… contre qui peut elle faire face ? Qui va-t-elle défier ? Elle aimerait se faire passer pour le christ, ça ne sert à rien. Le photographe, pétrifié, dans un coin de la pièce, attend le bon moment. Il voit ce regard blessé qui ne s’offre pas à lui, fait pour lutter, dans son élément, et il sait qu’il ne peut rien faire d’autre que de regarder, encore et encore. Il a attendu très longtemps, et puis il a appuyé sur la détente, quand elle ne le regardait pas, quand elle ne voulait pas. Un regard de bête traquée qu’on ne voit même pas, au loin. Toujours tant de non-dits.
Le défi est remis à sa place. Une posture ou une attitude ne sont d’aucune aide contre la maladie, contre le surhumain qui menace, et elle le savait, et elle ne pouvait pas faire autrement, et tous ses sens se révoltent, et elle est belle, mais en vain. Et ça recommence. La douleur aiguë qui l’enserre est insoutenable. Elle croit, elle voit très clairement tout ce qui se passe en elle. Mais elle ne peut le maîtriser. Elle sent la sève qui remonte en grands effluves lancinants. Et elle les voit tous les deux, son amour et sa haine, enlacés dans ses vertèbres, appareillés tendrement au loin, et elle pleure, mais même les larmes se figent de rage. Il n’y a rien. Pas d’humain, plus de sarcasme.
Pourtant, pour l’observateur de ce spectacle désabusé, il y a une leçon à tirer. Si elle, qui ne triche pas, qui ne joue pas, n’a pas de message à faire passer, et montre si bien les limites de son mal. De son art, alors, qu’en est il des autres, qu’en est il des milliers d’imposteurs qui prétendent représenter les autres, des artistes, des interprètes de la douleur, autant de vautours inutiles que le public bariolé et vaguement stupide d’une exposition branchée ira admirer en silence, pour avoir un frisson, parce qu’on le lui a dit, parce que c’est comme ça. Le monde doit être accepté, il se le répète sans arrêt, mais il n’est pas sûr non plus. Il ne sait pas, pas trop, ce qui se passe. H, il en a bien eu idée, il voit des membres remuer, comme des parties oubliées de vie prises de soubresauts lancinants, qui annoncent la fin, qui annoncent l’armistice, la déliquescence. Elle, elle a fait des mimiques qu’il connaissait trop bien, elle a prétendu beaucoup, elle a adopté des codes des prières, mais elle a continué tout droit, et pour ça elle a fait son trou, la postérité lui a conservé une place, loin de son mari, loin des miasmes, mais à quel prix ? Encore une leçon abjecte. La seule chose qui compte c’est la vie, et la vie n’a pas de sens, on ne sait pas ce qu’elle vaut, non. Oh le bruit de la douceur quand elle vient et qu’on ne sait pas la retenir, la certitude que tout coule et que tout à une fin.
C’est comme ça.